Etat de droit

L’Etat de droit est le principe juridique selon lequel la loi uniquement devrait régir une nation, par opposition à ce qu’elle soit régie par des individus tels que des fonctionnaires du gouvernement.

L’Etat de droit implique que tout citoyen « (1) devrait être régi par la loi et y obéir et (2) que la loi devrait être telle que les gens devront être guidés par elle ». Professeur Geoffrey de Q. Walker, L’Etat de droit: fondement de la démocratie constitutionnelle

Jetez un coup d’oeil factuel et objectif sur la situation en Erythrée et comparez-la aux principes élémentaires que l’on retrouve dans toute société moderne:

 

Principes élémentaires de l’Etat de droit Situation actuelle en Erythrée
Primauté de la loi
Il s’agit du principe que toute personne est sujet à la loi. La Constitution est la loi suprême du pays et elle protège les droits des individus et des groupes (tels que les droits aux libertés individuelles) à l’encontre d’autres individus, groupes et agents de l’Etat.
Absence de la Primauté de la loi
L’Erythrée n’applique pas sa Constitution bien qu’elle ait été ratifiée le 23 mai 1997.
Plusieurs pays à travers le monde, y compris la Suisse, ont demandé au gouvernement d’Erythrée de mettre en vigueur la Constitution ratifiée en 1997. Malgré ces demandes répétées au niveau national et international, la Constitution demeure suspendue.
Principes élémentaires de l’Etat de droit Situation actuelle en Erythrée
Séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire
La séparation des pouvoirs se réfèrent à la division des responsabilités du gouvernement selon les trois branches distinctes suivantes : législatif, exécutif et judiciaire. L’intention étant d’éviter la concentration du pouvoir et d'apporter des freins et contrepoids.
Concentration du pouvoir dans la branche exécutive
La Proclamation 1991 propose la séparation des pouvoirs en Erythrée. Néanmoins, en pratique, le pouvoir demeure concentré entre les mains du seul parti politique, le FPDJ, qui est aussi le seul parti gouvernant en Erythrée.
Le Président Isaias Afewerki a décrété plusieurs mesures par le biais de proclamations unilatérales, depuis l’indépendance du pays en 1991, celles-ci ayant pour effet la concentration du pouvoir dans la branche exécutive du gouvernement, essentiellement entre les mains du Président. L’assemblée nationale, le parlement du pays, ne se réunit que par notification du Président et elle n'a pas été convoquée depuis 2002. En 2001, la plupart de ses membres avait été arrêtée et emprisonnée, sans procédures légales, après avoir été accusée de trahison par le gouvernement érythréen et d’infraction à la sécurité nationale. Les personnes arrêtées avaient simplement demandé une réforme démocratique. L’Erythrée ne bénéficie pas d’un système judiciaire indépendant. Des officiers militaires haut placés, sans formation juridique nécessaire, sont nommés juges à la Cour Spéciale de l’Erythrée par le Président, qui surpasse la branche judiciaire du gouvernement, dont la fonction est une simple façade bureaucratique. Selon le premier rapport de la Commission d’enquête de l’ONU : “leurs décisions ne sont pas prises sur la base des lois nationales en vigueur en Erythrée ou conformément à la jurisprudence établie, mais sur la base des opinions des juges.”*
Sources : A/HRC/29/CRP.1 page 88 para.329
Principes élémentaires de l’Etat de droit Situation actuelle en Erythrée
Les élections devraient être récurrentes, transparentes, ouvertes et compétitives. Le choix des dirigeants doit être basé sur la volonté des citoyens. Aucune élection ouverte et transparente depuis 1991
Le Président actuel, M. Isaias Afewerki, était le chef de l’ancien mouvement de libération face à l’Ethiopie lors des trente ans de guerre. Après la victoire d’indépendance de l’Erythrée face à l’Ethiopie en 1991, il est devenu le Président du parti, et le Président par intérim du gouvernement érythréen. Depuis, aucune élection nationale n'a pas été tenue, et le Président continue de fermement maintenir son emprise sur le pouvoir.
D’autres partis politiques n’ont jamais été autorisés à opérer dans le pays depuis 1991. Le seul parti politique ayant le droit d’exister étant celui au pouvoir : FPDJ (Front populaire pour la démocratie et la justice).
Principes élémentaires de l’Etat de droit Situation actuelle en Erythrée
Garantie d’une procédure régulière de la loi et de l'égalité devant la loi
Les Etats ont l’obligation de promulguer des lois qui garantissent les droits fondamentaux et la liberté de leurs citoyens. Les Etats doivent aussi respecter et faire respecter les lois promulguées.
La garantie d’une procédure régulière de la loi confère également au système judiciaire l’appréciation de l’égalité, de la justice et de la liberté fondamentale de toute loi. La garantie d’une procédure régulière de la loi protège l’individu contre les actions arbitraires des pouvoirs exécutif et législatif.
Décisions arbitraires et aucun accès à la justice
Les tribunaux en Erythrée, y compris des tribunaux communautaires, sont limités à des litiges locaux mineurs et des disputes civiles. Selon le rapport de la Commission d’enquête de l’ONU, “la fonction des tribunaux ordinaires n’a pas de rôle tangible dans la protection des citoyens contre les violations flagrantes des droits de l’homme. »* 
Le rapport de l’ONU rapporte aussi que « le pouvoir judiciaire n’est pas en mesure de protéger les droits fondamentaux des citoyens érythréens »*. La Cour Spéciale supervise les cas majeurs de portée politique et relatifs aux droits humains et exerce une autorité disproportionnée et excessive, sans le droit de faire recours. La Cour Spéciale a prétendument été créé pour des cas de vols, de corruption, d’échanges illégaux de devises étrangères. Des cas de dissidents politiques y ont aussi été intégrés. Dans son premier rapport, la Commission d’enquête de l’ONU a observé que dans la Cour Spéciale de l’Erythrée: “Les juges sont des officiers militaires haut placés, sans formation juridique, nommés par le Président et les rendant directement responsable devant lui. Un juge agit en qualité de de procureur. La défense n’a pas le droit d’obtenir un représentant légal ou de présenter sa propre défense. Ni les procès, ni les dossiers de la procédure ne sont pas rendus publics. Les procédures ne sont pas publiées. Le Tribunal Spécial peut réouvrir des cas qui ont déjà été réglés par d’autres tribunaux. Les décisions, qui sont finales et exécutoires vu qu'il n'y a pas de droit de faire recours, ne seraient pas prises sur la base des lois nationales en vigueur ou des jurisprudences mais sur la base des opinions des juges."*
Sources: 1. A/HRC/32/CRP.1 page 61 para. 244 2. A/HRC/29/CRP.1 page 191 para. 722 3. A/HRC/29/CRP.1 page 88 para. 329
Principes élémentaires de l’Etat de droit Situation actuelle en Erythrée
La liberté d'expression devrait être fortement être protégée par les gouvernements. Il s'agit du droit à chacun d'exprimer sa pensée, sa croyance et ses idées sans peur et sans censure.   Déni du droit à la liberté d’expression sans craintes de représailles
Les civils ne sont pas autorisés à exprimer leurs opinions publiquement et/ou en privé. Ils ne sont pas non plus autorisés à critiquer le gouvernement. Selon le rapport 2017 de Human Rights Watch sur l'Erythrée, "des citoyens moins proéminents seraient sujets à de l'emprisonnement arbitraire. On ne donne qu'à très peu d'entre eux la raison liée à leurs arrestations. Ils ne bénéficient que rarement, si ce n'est jamais, d'un procès; beaucoup disparaissent. La durée de l'emprisonnement est souvent indéfinie et les conditions sont sévères."
Les médias privés sont interdits depuis 2001. Seuls les médias gérés par l’Etat existent dans le pays.  Des journalistes sont régulièrement arrêtés et emprisonnés sans accès à une procédure légale et dans des conditions inhumaines dans des centres de détention à travers le pays.   En 2001, le journaliste érythréen-suédois Dawit Isaak a été arrêté comme beaucoup d’autres journalistes. Leurs familles ne connaissent pas leur lieu de détention et ils n’ont jamais pu leur rendre visite.

En juin 2016, la Commission d’enquête de l’ONU sur l’Erythrée a émis les recommandations suivantes:

a) Assurer la séparation des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire, et établir l’Etat de droit;

b) Adhérer aux principes de la Primauté de la loi, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité face à la loi, de la sécurité juridique, de la transparence des procédures et des processus législatifs ;

c) Etablir sans délai, de manière indépendante, impartiale et transparente, un système judiciaire assurant l’accès à la justice pour tous ;

d) S’assurer que les procédures judiciaires, y compris les jugements, sont transparents, ouverts, accessibles au public et transmis immédiatement aux personnes inculpées ;

e) Mettre en vigueur le Code pénal, le Code procédural pénal, le Code civil de mai 2015 et les modifier en tenant compte de toutes les normes internationales relatives aux droits humains ;

f) Permettre la création de partis politiques et tenir des élections libres démocratiques et transparentes à tous les niveaux ;

g) Etablir une institution nationale indépendante des droits de l’homme ayant pour mandat de protéger, y compris enquêter les violations des droits de l’homme ;

h) Autoriser les défenseurs des droits humains et des organisations indépendantes de la société civile d’opérer sans interférences.