
Le 6 juillet 2017, le Parlement européen (PE) a adopté une résolution dont les termes n’ont jamais été aussi forts et directs. Le premier point de ladite résolution « condamne avec la plus grande fermeté les violations systématiques, généralisées et flagrantes des droits de l’homme en Erythrée». Le début de ce document donne en effet le ton au reste de la résolution. Le texte dévoile une certaine frustration du PE qui ne voit aucune amélioration dans le pays depuis le début des discussions avec l’Erythrée datant de 2016.
Aides financières accordées à l’Erythrée
Le point 11 de la résolution « dénonce la reprise des aides importantes accordées par l’Union à l’Érythrée et notamment l’adoption du programme indicatif national pour l’Érythrée s’élevant à 200 millions d’euros; demande à la Commission de réexaminer ses dispositifs de contrôle avec le Parlement européen, de prendre en considération les préoccupations et suggestions exprimées par le Parlement et de veiller à ce que celles-ci soient communiquées au comité du Fonds Européen de Développement (FED); considère que le comité du FED aurait dû prendre en considération les précédentes recommandations du Parlement, à savoir ne pas adopter le programme indicatif national et prolonger les discussions; ». En effet, avant le versement des montants en question, le PE avait à juste titre insisté à ce que l’Etat érythréen fournisse de sérieuses garanties à la Commission européenne sur les réformes démocratiques qu’il comptait mener. Le PE a réitéré cette demande en exigeant de la Commission qu’elle obtienne ces garanties.
Le point 12 de la résolution relève la question de la transparence quant aux fonds alloués. Le PE demande à ce que ces fonds n’aillent pas au gouvernement érythréen, « mais qu’ils soient utilisés uniquement et en toute transparence pour couvrir les besoins de la population érythréenne en matière de développement, de démocratie, de droits de l’homme, de gouvernance et de sécurité, ansi qu’en matière de liberté d’expression, de la pression et de réunion (…) ». De nombreux défenseurs de droits humains, dont certains étaient d’anciens fonctionnaires de l’Etat érythréen, avaient à maintes reprises mis en garde la Commission européenne quant à la gestion financière opaque des autorités érythréennes.
Migration
Le point 19 de la résolution « (…) invite instamment les États membres à ne pas renvoyer les Érythréens demandant asile en Europe, conformément à la convention de Genève; demande aux États membres de l’Union d’adhérer à la notion de non-refoulement, et rappelle que les demandeurs d’asile qui retournent dans leur pays sont susceptibles d’être détenus de manière arbitraire et torturés pour avoir tenté de fuir; ».
Certes, la Suisse n’a procédé jusqu’à ce jour à aucun renvoi de demandeurs d’asile érythréens vers leur pays d’origine. Néanmoins, un changement de la politique d’asile vis-à-vis des érythréens est observé depuis la décision du Tribunal Fédéral Administratif indiquant l’hypothèse que les personnes sortant illégalement du pays ne sont plus menacés en cas de retour. Cette décision est incohérente avec le reste de l’arrêt du TAF qui souligne justement les déficits en termes de justice, de gouvernance et de respect de l’état de droit. L’arrêt fait aussi mention des continuelles arrestations arbitraires et autres violations flagrantes de droits humains.
IFE souligne que la politique d’asile doit non seulement se conformer au droit international mais doit également demeurer fidèle à la tradition humanitaire de la Suisse et faire ainsi de la protection des personnes une priorité.
Les priorités du Parlement Européen
Finalement, le 22e et avant-dernier point de la résolution, met en exergue les priorités du PE à savoir :
– « la lutte contre le déficit de justice ;
– la gouvernance démocratique ; et
– la restauration de l’état de droit en Érythrée en mettant fin à un régime autoritaire fondé sur la crainte de détentions arbitraires et secrètes, de la torture et d’autres violations des droits de l’homme, dont certaines peuvent constituer des crimes contre l’humanité. »
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IFE partage cet ordre de priorités qui aborde de façon réaliste et directe le coeur des défis à relever en Érythrée. Il est nécessaire de les aborder avec la plus grande insistance, si un changement positif dans le pays souhaite être observé. En attendant ceci, et aussi longtemps que les droits à la liberté et à la sécurité sont menacés dans le pays, les demandes d’asile pour les demandeurs d’asile érythréens doivent être octroyées en conséquence.